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15.9.15

Les media français boycottent-ils la mort d'Adrian Frutiger ?

Libération qui est certainement le journal le plus typé typo n'en a eu cure


Requiem. "Le secret d'une bonne écriture réside dans une subtile adéquation des lettre les unes aux autres, faite de contrastes mais aussi d'affinités. Il est fondé sur le rythme simple entre espaces blancs et traits noirs. L'œil glisse sur une ligne d'écriture". Ainsi parlait en 2002, Adrian Frutiger, l'un des plus grands créateurs de caractères contemporains. Ce géant de la typographie et du dessin de caractères vient de mourir le 12 septembre à l'âge de 87 ans dans un silence médiatique le plus total. Assourdissant, devrais-je dire. Ni Le Monde, Le Figaro et Libération n'en ont pas parlé. J'ai fait chauffer leurs moteurs de recherche mais sans grand résultat. Si l'inculture est patente, la faute d'ignorance avérée, il y a aussi une grande ingratitude de la part de ces grands pourvoyeurs d'informations dont le recours à la lettre et son dessin relève d'un lien presque ombilical.
Ombilical ? Je veux dire en jargonnant un peu : consubstantiel à leur activité même. Car les mots, ceux-là même qui s'affichent sous vos yeux, sont d'abord composés à partir de polices de caractères qui ne sont pas tombées du ciel, ni de nulle part. Toutes leurs caractéristiques ont été soigneusement pensées, puis dessinées avec une quête constante de perfection dans leurs contours, leurs contre-formes et leurs multiples détails, de façon à ce que l'œil les remarque et les capte avec la plus grande facilité dans une forme de complicité aveugle ! Un comble, ou un oxymore tout à la fois. Comme par exemple la fonte utilisée ici le Trebuchet, une linéale (bâton) humaniste créée par Vincent Connare pour Microsoft en 1996, selon un cahier des charges très précis qui exigeait une lisibilité optimale sur écran et sur papier.

Quelles archives, mais rien sur le 12 septembre
Zéro pointé




Mais revenons plutôt à nos bâtons. Frutiger appartenait à cette génération d'anciens, peu nombreux, capables de dessiner intégralement à la main l'ensemble des signes et caractères constitutifs d'une police. Avec toutes ses variantes (étroitisée ou élargie) et ses déclinaisons selon les graisses (du maigre, à l'extra-gras en passant par toutes les italiques) il ne va pas sans dire que cela représente un travail de Titan, voire de deux Titans. Cet infatigable marathonien nous a légué 28 polices de caractères au bas mot, dont certaines sont des devenus des grands standards, comme par exemple l'Univers, l'Avant-garde, le Frutiger ou l'OCR-B. Elles sont partout, en particulier sur les panneaux de signalisation des autoroutes, ceux-là même qui nous conduiront sans aucun doute possible à notre prochaine destination : les bords du lac de Chambéry où Adrian Frutiger vécut une bonne partie de sa vie. L'homme à ses moments perdus aimait à y observer des drosophiles, ces petites mouches du vinaigre très apprécié des généticiens mais aussi des plus grands des créateurs de caractères CQFD !

En savoir plus : Un dossier complet et très bien documenté produit par le site suisse Caractères : http://caracteres.ch/adrian-frutiger/
Adrian Frutiger  fr.wikipedia.org/wiki/Adrian_Frutiger
Les grandes dates de la typographie : Le typoscope
Le cobaye par excellence : fr.wikipedia.org/wiki/Drosophile
Adrian Frutiger un maître de l'Univers, bel hommage de Télérama (mieux vaut tard que jamais) dans son édition du 23-09 (n°3428) en p.14


10.3.11

Notre logo c'est l'Univers*

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I love typography. Sur le modèle du tableau périodique des éléments chimiques qui représente tous les éléments connus (on l’appelle aussi table de Mendeleiev du nom de son auteur, un chimiste russe qui en définit le principe en 1869), des fous de typographie ont dressé une classification équivalente pour les fontes de caractères.

Nombreux sont ceux qui s'étaient déjà livrés à l'exercice et avaient déposé leurs listes sur le world wide web. Les uns, très sérieusement en affichant par exemple  « Les 30 fontes que doit connaître et posséder tout praticien qui se respecte », les autres plus malicieusement avec des propositions comme « Types no one gets fired for using ». Il ne suffisait plus qu'à passer au shaker l'ensemble de ces résultats pour obtenir une classification à vocation universelle façon Mendeleiev, probablement moins stable et définitive que l'originale, vu les soubresauts de la mode et les progrès de la technologie. Ce fut chose faite.

Observons-la. Pour le néophyte, un premier distingo simple permettra un meilleur repérage dans cette foire aux signes. Il s’agit de pouvoir distinguer les deux grandes familles à partir desquelles se déclinent toutes les autres. C’est-à-dire différencier la famille des caractères bâton dont le tracé est rectiligne sans fioriture aux extrémités (caractère sans serif pour les anglo-saxons) de la famille des caractères à empattement (l’extrémité des lettres comporte une terminaison de forme triangulaire, rectangulaire, voire filiforme : l’empattement). A partir de là tout devient plus simple. Reste juste la nomenclature du tableau : dans chaque cartouche figure un glyphe, le nom du caractère, sa famille de rattachement, son rang dans le classement, le nom de son créateur et enfin l’année de sa sortie.

Que retenir de ce damier magique ? L’on constate que les quatre polices de caractères les plus pléblicités sont des bâtons l’Helvetica, le Futura, l’Univers(*), et l’Akzidenz-Grotesk suivies à la corde par trois polices à empattements, le Bodoni, le Garamond et le Times.
Et alors me direz-vous, tout ce bla-bla indigeste pour en arriver là ? Un micro-querelle de spécialistes, piètre sodomisation de diptères... pas si sûr. En cette époque trouble, que les sondages d'opinions décrivent comme encline à des dérives extrémistes, xénophobes voire fachisantes, il faut revenir au baromètre de la typographie pour garder espoir. Adrian Frutiger, grand créateur de caractères devant l'éternel reconnaissait il y a quelques années garder toute sa confiance dans le genre humain, fort du constat que les deux caractères les plus utilisées à l'époque étaient l'Helvetica et le Garamond, deux polices exceptionnelles, paragon de perfection, constitutives d'un noyau idéal combinant au choix, l'empattement et le bâton, le yin et le yang, le masculin et le féminin, le cerveau droit et le cerveau gauche etc,.

En savoir plus : sur l'Helvetica: lire l'article de Richard Hollis dans le n°168 d'Etapes de mai 2009 ; sur la petite cuisine qui a permis de construire la Table of periodic typefaces http://www.behance.net/Gallery/Periodic-Table-of-Typefaces/193759